Pollution minière: les maladies sont désormais «la faute de la victime»

En synthèse : 


La réforme du code minier, issue de la loi Climat de 2021, élargit la définition des dommages miniers aux impacts environnementaux et sanitaires, mais sans effet rétroactif. Elle introduit surtout une clause permettant à l’exploitant ou à l’état de réduire leur responsabilité si la victime n’a pas respecté les recommandations sanitaires.     À Salsigne, zone polluée à l’arsenic, ces consignes imposent un mode de vie extrêmement contraint. Les associations dénoncent une logique de culpabilisation des victimes, privées de réparations si elles n’ont pas adopté ces mesures contraignantes.

Un non-lieu a déjà été prononcé en 2021 sur cette base. Le nouveau code entérine ainsi une inversion des responsabilités : Les pollueurs peuvent s’exonérer, tandis que les habitants doivent adapter leur quotidien à la contamination.

Publication complète

ParCelia Izoard

21 avril 2022 à 14h59  Mis à jour le 14 novembre 2022 à 16h16 


Organiser le blâme des victimes


La loi Climat votée en août 2021 a autorisé le gouvernement à modifier le Code minier par ordonnances. Il a donc eu carte blanche lors de la rédaction du texte. Dans l’ordonnance publiée au Journal officiel ce 14avril, conformément à l’esprit de la loi Climat, la définition d’un dommage minier est enfin étendue aux«dommages environnementaux et sanitaires»(il ne concernait jusqu’ici que les effondrements et remontées des eaux), mais son effet n’est pas rétrospectif: cela n’aura aucun effet sur les nombreux sites en France pollués par d’anciennes mines. Le gouvernement y a ajouté une clause restrictive:«L’exploitant peut s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d’une cause étrangère.»Si de fortes précipitations ravinent sur des terrils, intoxiquant les rivières et les vallées, comme à Salsigne (Aude) en 2018, il pourrait ne pas en être responsable, car la météo, personne n’y peut rien.


Mais l’aspect psychédélique de ce nouveau Code minier réside dans l’introduction d’une clause punitive pour les victimes de pollutions. L’exploitant (ou l’État, s’il s’est substitué à lui entre-temps) peut«réduire ou supprimer sa responsabilité s’il démontre que le dommage est causé conjointement par l’activité minière et par la faute de la victime, consistant, notamment, en une abstention de prise en compte par cette dernière des recommandations émises par les autorités sanitaires». Pour prendre la mesure d’une telle formule, il faut comprendre en quoi peuvent consister de telles recommandations. Suite à l’exploitation de l’or et du cuivre dans le bassin minier de Salsigne, 200kilomètres carrés sont pollués par des dizaines de substances dont l’arsenic,un métal très cancérigène. Dans toute la vallée, il est interdit par arrêté préfectoral de consommer des légumes, fruits, escargots, plantes et champignons locaux; de fréquenter les aires de jeux et de pique-nique de 14communes; de consommer l’eau des fontaines et des sources; de se baigner dans la rivière et ses affluents.L’Agence régionale de santé recommandeà l’ensemble des habitants de«couper les ongles des enfants courts», de«ne pas [les] laisser jouer sur des sols nus», de«nettoyer souvent les pièces du logement, des balcons et des terrasses avec un linge humide», de«se laver soigneusement les mains après avoir joué ou travaillé en extérieur», de«prévoir des protections pour la peau et les voies respiratoires lors des travaux», de«laver fréquemment les vêtements, jouets et doudous», etc.


Lire aussi :Au milieu du chaos climatique, le risque d’un désastre atomique

«Cet article du Code minier est de nature à exclure la quasi-totalité des victimes du droit à la réparation de leurs préjudices», constate François Espuche, de l’association Gratte Papiers, qui regroupe des habitants de la vallée de l’Orbiel. De fait, en mai 2021, la plainte des riverains pour«mise en danger de la vie d’autrui»a fait l’objet d’un non-lieuau motif qu’il existe depuis 1997 dans la région des«restrictions d’usage»et des«recommandations liées à la pollution». Lors de la consultation en ligne portant sur la réforme du Code minier, toutes les associations concernées, de France Nature Environnement à Guyane Nature Environnement, ont protesté contrecette ordonnance. Sans effet sur la version finale du texte.

Les futures victimes de pollutions pourraient donc être jugées fautives de ne pas avoir adopté le mode de vie hors sol exigé par la contamination des milieux. La pratique d’activités de subsistance ou le fait de persister à mener une existence normale à la campagne suffiraient à dédouaner l’entreprise minière ou l’État d’avoir rendu l’environnement impropre à l’agriculture, aux promenades, à la baignade et aux jeux des enfants. À travers ce transfert de responsabilité, le nouveau code minier entérine une tendance déjà à l’œuvre: l’État naturalise les pollutions (ou les catastrophes industrielles ou bactériologiques) tout en exigeant de la population qu’elle artificialise son mode de vie pour y faire face.


Source :

https://reporterre.net/Pollution-miniere-les-maladies-sont-desormais-la-faute-de-la-victime

Je me permets de vous informer, vous décidez de votre futur.